Genome Editing: assouplissements généralisés

Genome Editing: assouplissements généralisés

La Grande-Bretagne a d’ores et déjà fait de premiers pas, la Suisse également: le recours aux plantes simples obtenues par édition génomique devient plus facile. Les lois strictes sur le génie génétique ne font plus office de seules références. L’UE travaille elle aussi à une réforme. Si ses contours sont encore flous, elle promet dès à présent d’être vivement contestée et durera des années. De nombreux États à la surface du globe sont déjà bien plus avancés.

mardi 29 mars 2022

Bien que rien n’ait véritablement changé pour l’instant, un signal majeur a été lancé: le 18 mars 2022, le Parlement suisse a décidé que les plantes cultivées à l’aide de nouvelles technologies de sélection telles que les ciseaux génétiques CRISPR/Cas et dans lesquelles aucun matériel génétique étranger à l’espèce n’a été introduit ne seront désormais plus assimilées à des plantes génétiquement modifiées (OGM) classiques.

Ce retournement de situation a créé la surprise. Depuis de nombreuses années, les plantes génétiquement modifiées sont strictement interdites en Suisse. Prise dans le cadre d’une votation populaire en 2005, la décision correspondante a depuis été prolongée tous les quatre ans. Elle vient d’ailleurs d’être reconduite jusqu’en 2025. Mais, grande nouveauté: le moratoire actuel ne devrait bientôt plus inclure les plantes simples obtenues par édition du génome dès lors que celles-ci pourraient très bien être cultivées par le biais de méthodes conventionnelles. D’ici 2024, le Conseil fédéral devrait formuler une proposition pour une «autorisation basée sur les risques».

À quoi ressemblera-t-elle? Exclura-t-elle de l’obligation de déclaration les plantes simples obtenues par édition du génome, comme le demande par exemple l’Union suisse des paysans? Nul ne le sait encore. Ce «changement radical d’opinion» (NZZ) au sein des deux chambres du Parlement suisse est le reflet d’une évolution générale de la tendance. Nous assistons à la naissance d’une nouvelle génération de consommateurs manifestement plus ouverts aux «solutions innovantes dans l’agriculture», écrit la NZZ, reprenant les termes d’une étude actuelle de l’EPFZ.

La Grande-Bretagne a elle aussi déjà changé de cap, profitant des libertés que lui offre sa sortie de l’UE. Le Parlement a commencé par décider que les essais en champs avec des plantes simples obtenues par édition du génome n’auraient plus besoin de faire l’objet d’une laborieuse procédure de demande et de validation. Une simple déclaration suffit désormais. De nouvelles règles pour l’autorisation et la culture devraient suivre. Le gouvernement britannique entend ainsi favoriser la recherche et le développement de nouvelles plantes, qui «réduiraient par exemple considérablement l’utilisation de pesticides et d’herbicides» et «seraient plus résistantes aux conditions météorologiques extrêmes et au changement climatique».

Mais les voisins de l’UE que sont la Suisse et la Grande-Bretagne ne sont pas les seuls pays à avoir abandonné d’anciennes positions scientifiques complètement dépassées. De nombreux États – parmi lesquels de grands exportateurs agricoles en Amérique du Nord et en Amérique du Sud ont eux aussi adapté aujourd’hui leurs règles pour l’autorisation et la culture de plantes obtenues par modification du génome. Celles-ci ne sont désormais plus soumises sans discernement aux règles applicables depuis de nombreuses années aux plantes génétiquement modifiées. En substance, presque tous les pays se fient au large consensus scientifique qui s’est dessiné au cours des dernières années.

  • Dès lors qu’une plante obtenue par édition du génome ne contient aucun ADN étranger et qu’elle aurait pu être obtenue dans des conditions naturelles par une mutation spontanée, elle est considérée comme une plante cultivée de manière conventionnelle. Aucune différence fondamentale n’est établie en matière de sécurité.
  • En revanche, si de nouveaux gènes ou des segments d’ADN assez importants ont été introduits dans le génome au moyen d’un procédé de Genome Editing, ces plantes sont en général considérées comme des OGM et relèvent à ce titre des lois sur le génie génétique. Elles doivent donc satisfaire aux mêmes exigences de sécurité.

Certains pays comme l’Argentine, l’Australie ou Israël se réfèrent d’ores et déjà à ces principes. D’autres, tels que les États-Unis, le Canada, le Brésil ou encore le Japon, prévoient une procédure au cas par cas: les instituts de recherche ou entreprises qui souhaitent tester une plante obtenue par édition du génome dans le cadre d’essais en champs ou la commercialiser sous forme de semence doivent apporter la preuve aux autorités en charge de l’autorisation que les conditions requises pour sortir des lois sur le génie génétique sont remplies.

La Chine a elle aussi annoncé au début de l’année qu’elle entendait simplifier l’autorisation de plantes obtenues par édition du génome.

Après le Nigeria, le Kenya est le deuxième pays d’Afrique à avoir mis en place ses propres directives pour analyser les plantes obtenues par édition du génome, dans l’idée là aussi de décider au cas par cas si de telles plantes peuvent être autorisées ou si elles doivent être soumises à des conditions spécifiques. Au Kenya, plusieurs projets de recherche sont en cours sur d’importantes plantes cultivées régionales comme le sorgho (millet), les bananes ou le maïs, avec pour objectif de développer des résistances contre des maladies et nuisibles spécifiques de la région, et contre la sécheresse.

Et l’UE alors? Près de quatre ans se sont maintenant écoulés depuis le mémorable arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a soumis toutes les plantes obtenues par édition du génome, sans différenciation aucune, à la loi sur le génie génétique datant de 25 ans. Après de longues hésitations, la Commission européenne a enfin initié un processus de consultation à plusieurs niveaux, visant à «adapter les lois sur le génie génétique aux avancées scientifiques et techniques» et ainsi à «permettre des innovations dans l’agriculture». La Commission entend présenter sa proposition d’ici mi-2023; elle sera suivie de consultations complexes et certainement controversées au Parlement et au Conseil des ministres. Il faudra des années avant qu’elle n’aboutisse.

Entre-temps, de nombreux pays en dehors de l’UE auront accumulé de nombreuses expériences sur la possibilité et la manière de favoriser l’innovation en simplifiant le recours aux nouvelles technologies de sélection, au profit d’une agriculture plus durable.

Cet article est paru pour la première fois le 24 mars 2022 sur transgen.de sous le titre «Genome Editing: Lockerungen überall».

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