
La prochaine révolution agricole
En 2050, la Terre comptera environ 10 milliards d’habitants. Un puissant effort sera attendu de l’agriculture. Elle devra à la fois augmenter sa productivité et devenir plus durable. La clé pour accomplir cette tâche herculéenne réside dans l’utilisation des nouvelles technologies. Selon une étude de McKinsey, la numérisation de l’agriculture a le potentiel de déclencher une nouvelle révolution agricole.
jeudi 16 septembre 2021
L'essentiel en bref
- L’agriculture du futur devra nourrir beaucoup plus de personnes qu'aujourd'hui.
- Elle doit être à la fois plus productive et plus durable.
- Cela ne sera possible qu'au moyen de technologies nouvelles et innovantes.
L’agriculture est l’une des plus vieilles activités économiques de l’histoire de l’humanité. Au fil des millénaires, elle a traversé de profonds bouleversements. L’avènement de l’ère industrielle au 19e siècle et surtout la mécanisation de l’agriculture durant la seconde moitié du 20e siècle ont apporté d’énormes gains de productivité. Depuis les années 1960, la superficie des terres arables exploitées dans le monde est restée pratiquement inchangée. Elle permet pourtant aujourd’hui de nourrir une population mondiale qui a été multipliée par deux. Cette augmentation massive de la productivité a été rendue possible par le développement des engrais artificiels, les produits phytosanitaires et la mécanisation, avec l’arrivée des tracteurs et d’autres engins de production. Le travail aux champs a peu à peu été délaissé au profit des secteurs secondaire, puis tertiaire.
Une nouvelle hausse de la productivité est nécessaire
L’agriculture d’aujourd’hui est beaucoup plus productive qu’il y a encore 60 ans. Mais les projections démographiques sont claires: de nouveaux gains de productivité sont nécessaires. Les Nations Unies estiment que d’ici à 2050, la Terre comptera environ 9,5 milliards d’habitants. Le nombre de calories nécessaires devra augmenter de 60%. Dans le même temps, le changement climatique rend le travail de la terre toujours plus exigeant. Les épisodes de sécheresse et de canicule se multiplient, alors que la pression des ravageurs s’accentue. Aujourd’hui déjà, l’agriculture consomme environ 70% de l’eau douce disponible. Dans de nombreuses régions, l’eau devient un bien rare. Pour mettre à disposition des quantités suffisantes d’aliments dans des conditions toujours moins favorables, des technologies innovantes, dont la numérisation de l’agriculture, sont nécessaires. Pour cela, l’accès à un Internet à ultra haut débit (5G, orbite terrestre basse OBT, etc.) doit être massivement développé à l’échelle du globe.
Grandes tendances: Société de la connaissance
Potentialités dans cinq domaines
Un rapport de McKinsey énumère cinq domaines où la numérisation et une mise en réseau accrue permettront d’obtenir de substantiels gains d’efficacité dans l’agriculture. Il s’agit des domaines suivants:
- La surveillance intelligente des champs;
- L’utilisation de drones;
- La surveillance intelligente du bétail;
- Les appareils au fonctionnement autonome;
- La gestion intelligente de l’exploitation agricole.
Surveillance intelligente des champs
La surveillance intelligente des champs permet d’utiliser plus efficacement les moyens de production, tels que l’eau, les engrais ou les produits phytosanitaires. Des capteurs installés sur des tracteurs et des machines à récolter ultramodernes et sur d’autres appareils mis en réseau mesurent par exemple précisément la teneur en eau et en nutriments dans le sol. Àl’aide de logiciels, on peut savoir à quels endroits du champ un apport en eau ou en engrais est nécessaire. Les images par drone ou satellite fournissent également de précieuses informations sur l’état des cultures. Des plantes saines ont une teneur élevée en biomasse, ce qui les fait apparaître en vert sur les images satellite. Les plantes qui subissent un stress pour cause d’attaque de nuisibles, de maladie ou de sécheresse sont illustrées en rouge ou en jaune. Il est ainsi possible de reconnaître précocement une possible attaque de nuisibles et de prendre des mesures ciblées pour y répondre.
Utilisation de drones
Aujourd’hui déjà, les drones sont utilisés dans l’agriculture, par exemple pour épandre des produits phytosanitaires. Une nouvelle génération de drones permet de surveiller les cultures végétales ou le bétail. Ils livrent des données sur l’état du sol en temps réel, ce qui permet de procéder facilement et rapidement à des apports d’engrais ou à des traitements phytosanitaires au bon endroit. Les drones simplifient l’exploitation des terres situées à l’écart ou inaccessibles et en rendent la production plus efficiente. Étant relativement avantageux, les drones devraient améliorer la production des petites exploitations dans les pays en développement.
Les drones en Suisse
Si la Suisse a été le premier pays d’Europe à autoriser les drones pulvérisateurs en juillet 2019, c’est grâce en partie à Syngenta: durant des jours durant, un team mondial a mis son expertise à disposition pour réaliser les mesures tournant autour des applications par drone (dérive, qualité de pulvérisation) et mettre les données nécessaires à la disposition des autorités.
Des multicopteurs au secours de la lutte contre la pyrale du maïs:
En Suisse, la lutte contre la pyrale du maïs à l’aide d’insectes utiles est un succès. Elle exigeait toutefois jusqu’ici beaucoup de travail manuel. Des multicopters ultramodernes permettent d’effectuer en quelques minutes des tâches qui prenaient auparavant des heures.
Surveillance intelligente du bétail
Une meilleure surveillance des animaux de rente améliore à la fois le bien-être animal et la qualité des aliments. Au moyen de puces et de capteurs, on peut connaître la température, la pression sanguine ou le pouls et surveiller la santé des animaux. L’apparition d’une maladie ou d’une épizootie peut être détectée et localisée plus rapidement. Dans les grandes exploitations, il est ainsi possible de surveiller plus efficacement les bêtes de façon à n’en perdre aucune. Plusieurs sociétés proposent déjà de telles technologies. Des appareils permettent également le déclenchement automatique de mesures dans les étables, par exemple pour adapter l’aération, chauffer en hiver ou rafraîchir en été. Ces mesures améliorent grandement la qualité de vie des animaux de rente.
Appareils au fonctionnement autonome
Les véhicules et les machines automatiques effectueront bientôt dans les champs un travail plus précis et plus efficace que l’être humain. Le désherbage est un domaine avec de belles potentialités. Dans un récent article de la NZZ, les lecteurs ont pu découvrir un robot-sarcleur d’origine danoise capable d’éliminer les mauvaises herbes de manière relativement fiable. Au moment des semis, le Farmdroid FD20 relève par GPS la position exacte des graines et donc de chaque plante. Durant la croissance, il sarclera centimètre par centimètre autour de la plante sans l’abîmer. Plusieurs stations de recherche sont en train de tester le Farmdroid sur des champs en Suisse. Un autre robot, mis au point par une entreprise suisse, est capable de reconnaître les mauvaises herbes grâce à une caméra embarquée puis de traiter celles-ci. La dose d’herbicide utilisée peut ainsi être sensiblement réduite. Des progrès restent encore à faire, et la contribution financière et le savoir-faire de l’agrochimie sont les bienvenus, comme en témoigne l’engagement de BASF dans la start-up ecorobotix.
Gestion intelligente de l’exploitation
Un important potentiel d’amélioration réside également dans la numérisation des équipements et des sites de production. Àl’aide de capteurs dans les silos et les entrepôts, on peut par exemple surveiller les stocks en temps réel et exécuter de nouvelles commandes automatiquement, avec de nouveaux gains d’efficacité à la clé. Grâce à une surveillance améliorée des stocks et des conditions de stockage, on peut réduire les pertes d’aliments dans l’exploitation. L’amélioration du monitorage des moyens de production permet aussi des économies d’énergie.
Sources
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